Protection de la collectivité durant l’exercice du mandat

  • Connaître les acteurs et les institutions

Le régime de protection fonctionnelle des élus locaux

Les élus locaux bénéficient d’un régime de protection qui s’apparente à la protection fonctionnelle des agents publics. Le code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit un dispositif de protection des élus locaux exerçant des fonctions exécutives qui se traduit par deux mécanismes distincts (deux volets de la protection fonctionnelle) :

  • la protection accordée aux « élus poursuivis » : ces élus peuvent bénéficier de la protection de leur collectivité lorsqu’ils font l’objet de poursuites pénales et civiles (art. L. 2123-34, L. 3123-28, L. 4135-28 du CGCT) ;
  • la protection des « élus victimes » : la collectivité a également l’obligation de protéger ces élus contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions et à réparer les préjudices qui en résultent (art. L. 2123-35, L. 3123-29, L. 4135-29 du CGCT). 

Il convient d'entendre par « fonctions exécutives » les prérogatives dont disposent les chefs d’exécutif en application du CGCT :

  • pour le maire, celles prévues à l’article L. 2122-18 et suivants ;
  • pour le président du conseil départemental, celles prévues à l’article L. 3221-1 et suivants ;
  • pour le président du conseil régional, celles prévues à l’article L. 4231-1. 

Ces attributions peuvent également être exercées, sous la surveillance et la responsabilité des chefs d’exécutif, par les vice-présidents du conseil départemental et régional, les adjoints au maire ou des membres de l’organe délibérant ayant reçu délégation ou les suppléant. 

Elles traduisent un pouvoir de décision propre de l’élu qui les exerce. Plus exposés, ceux-ci se trouvent dans une situation similaire aux agents publics susceptibles de voir leur responsabilité personnelle mise en cause dans le cadre de leurs fonctions, ce qui justifie la mise en place de garanties particulières pour eux. 

La protection fonctionnelle de la collectivité ne peut ainsi être octroyée qu’à l’autorité territoriale (maire, président du conseil départemental ou régional) et aux élus la suppléant ou ayant reçu une délégation, à l’exclusion de tous les autres, qu’ils appartiennent ou non à la majorité politique au sein de l’organe délibérant.

Le dispositif de protection fonctionnelle ne reconnaît pas aux élus exerçant des fonctions exécutives un droit inconditionnel à la protection de la collectivitéCelle-ci doit s’assurer, dès lors qu’elle est saisie d’une demande de protection, que les conditions légales et jurisprudentielles sont bien réunies. L'élu exerce des fonctions exécutives :

  • pour le volet « élu poursuivi » : l’élu doit être poursuivi pour des faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions. Cette notion a été précisée par la jurisprudence (CE, 3ème - 8ème SSR, 30 décembre 2015, 391798) et recouvre des faits présentant le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d'ordre privé, qui procèdent d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité ;
  • pour le volet « élu victime » : la collectivité doit accorder sa protection pour des faits à l'occasion ou du fait des fonctions électives. Outre l’exigence d’un lien avec le mandat, le juge considère également que la collectivité doit s’assurer « qu'aucun motif d'intérêt général ne fait obstacle à ce que le bénéfice de la protection fonctionnelle soit accordé ».

Lorsque ces conditions sont réunies, la collectivité se trouve en situation de compétence liée et est tenue d’accorder sa protection à l’élu. Toute décision d’octroi ou de refus de protection fonctionnelle peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. 

L’attribution de la protection fonctionnelle constitue une compétence exclusive de l’organe délibérant de la collectivité, qui doit se prononcer sur l’octroi de la protection et en définir les modalités de prise en charge. Lorsque la protection est accordée à un élu qui a été victime de violences, menaces ou outrages à l'occasion de ses fonctions, il doit également décider de la réparation à lui accorder pour les dommages qui en résultent. 

Cas particulier des élus municipaux agissant en qualité d’agent de l’État

Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d'agent de l’État, la protection relève de la compétence de l’État et non de la collectivité. 

Depuis la loi n°2024-247 du jeudi 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, la protection fonctionnelle est accordée selon deux procédures distinctes : 

  • pour le volet « élu poursuivi », la protection fonctionnelle est accordée par délibération de l’organe délibérant. L’élu qui la sollicite ne peut participer aux débats ou au vote ;
  • pour le volet « élu victime » : il appartient à l’élu d’adresser une demande de protection à sa collectivité. Il bénéficie de sa protection dans un délai de cinq jours à compter de la réception de sa demande, si la collectivité effectue deux formalités durant cette période (transmission au représentant du préfet et information des membres de l’organe délibérant). 

Les communes ont depuis 2019 l’obligation de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de leur obligation de protection fonctionnelle. Ces frais ouvrent le droit au versement d’une compensation forfaitaire de l’État, versée annuellement aux communes de moins de 10 000 habitants.

Les communes, les EPCI, les départements et les régions sont responsables des dommages résultant des accidents subis par leurs élus dans l’exercice de leurs fonctions. (art. L. 2123-31 et suivants, L. 3123-26 et suivants, L. 4135-26 et suivants et par renvoi de l’article L. 5211-15 du CGCT). Dès lors que l’accident est rattachable à l’exercice du mandat, la responsabilité de la collectivité peut être engagée.

L’article L. 2123-33 prévoit un régime distinct pour les conseillers municipaux (autres que les maires, les adjoints et les présidents de délégation spéciale), qui sont couverts dans des situations plus circonscrites. La responsabilité de la commune ne peut être engagée que si les dommages ont été subis par les conseillers municipaux et les délégués spéciaux :

  • à l’occasion des séances des conseils municipaux ou de réunions de commissions et des conseils d'administration des centres communaux d'action sociale dont ils sont membres ;
  • au cours de l'exécution d'un mandat spécial. 

Le juge administratif interprète de façon relativement large la notion d’exercice des fonctions : celle-ci recouvre par exemple la participation personnelle à la lutte contre un incendie déclaré chez une administrée, le fait de se déplacer pour vérifier si un chemin, signalé comme impraticable par des administrés, l’est réellement ou pour vérifier l’avancement des travaux de consolidation d’une école désaffectée.

De même, l’exécution d’un mandat spécial peut consister à surveiller les travaux d’assainissement d’un terrain, à se rendre chez un fournisseur dans le cadre de la préparation d’une fête de village ou à visiter une station d’épuration.

Au-delà de ces garanties ouvertes aux élus en leur seule qualité, le juge a déjà accepté d’engager la responsabilité de la collectivité lors d’accidents survenus à des titulaires de mandats locaux, dans des circonstances qui ne pouvaient valablement correspondre aux dispositions législatives précitées, mais au titre de la notion beaucoup plus large d’une simple participation à un service public communal : lors de la consolidation de buts mobiles de football menaçant la sécurité des passants ou lors de travaux bénévoles de nivellement d’un terrain de sport communal.

Les collectivités locales versent directement aux praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et établissements le montant des prestations afférentes à l’accident dont les élus ont été victimes. Ces prestations sont calculées selon les tarifs appliqués en matière d’assurance maladie.

En outre, l’engagement de la responsabilité de la collectivité emporte réparation intégrale des préjudices subis, quelles qu’en soit l’importance et la nature : perte de revenus, préjudice esthétique, troubles dans les conditions d’existence, souffrances physiques, douleur morale et dommages aux biens liés à l’exercice des fonctions. Le conjoint, les descendants et les ascendants lésés sont eux aussi susceptibles de recevoir une compensation.

La responsabilité de la collectivité peut être atténuée voire dégagée, selon les circonstances propres à chaque espèce, s’il y a eu faute ou imprudence de la part de la victime.

Le dispositif légal actuel permet ainsi à la collectivité de s’assurer que sa responsabilité, et donc son budget, ne puisse être engagée que si l’élu a subi un dommage survenu au titre d’une activité présentant un lien avec les compétences et les intérêts de la commune.