Précisions sur le contrôle exercé par le juge du référé précontractuel sur la définition des besoins et des prescriptions techniques d’un marché public : commentaire de l'arrêt du CE, 2 octobre 2013, Département de l’Oise et Département de Lot-et-Garonne

Il ressort des dispositions de l’article 5 du code des marchés publics que le pouvoir adjudicateur doit déterminer avec précision la nature et l’étendue des besoins à satisfaire, avant tout appel à la concurrence ou toute négociation sans mise en concurrence, et que le marché ou l’accord-cadre passé doit avoir pour objet exclusif de répondre à ces besoins.

Par un arrêt “Département de l’Oise” rendu le 2 octobre 2013, le Conseil d’Etat précise que le choix opéré par le pouvoir adjudicateur dans le cadre de cette définition des besoins fait seulement l’objet d’un contrôle restreint de la part du juge administratif, saisi par la voie du référé précontractuel.

En l’occurrence, le département de l’Oise avait passé en 2009 avec la Société France Télécom un marché pour la fourniture, la mise en œuvre et le déploiement d’un espace numérique de travail dans les collèges, l’offre ainsi retenue incluant un logiciel appartenant à la Société Itop. Pour assurer l’exploitation et la maintenance de cet espace de travail, le département a lancé un nouveau marché en avril 2013 selon une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence sur le fondement de l’article 35-II-8° du code des marchés publics, en raison des droits d’exclusivité détenus par la Société Itop sur le logiciel en question.

Considérant l’existence de ces droits d’exclusivité établie au regard des pièces du dossier, le Conseil d’Etat désavoue le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens qui avait annulé la procédure, indiquant qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’en choisissant de conserver l’espace numérique de travail mis en place en 2009 avec le logiciel de la Société Itop et de lancer une procédure de passation d’un marché public, afin de répondre au besoin d’assurer son exploitation et sa maintenance, plutôt que d’acquérir un nouveau dispositif, le département ait entaché la définition de son besoin d’une erreur manifeste d’appréciation.

Si l’acheteur public dispose ainsi d’une grande marge de manœuvre dans la définition de ses besoins, les prescriptions techniques qui en découlent ne peuvent cependant avoir pour effet de porter atteinte au principe de libre accès à la commande publique.

Le Conseil d’Etat exerce alors un contrôle normal sur ces prescriptions, ainsi qu’il ressort de sa décision “Département de Lot-et-Garonne” rendue également le 2 octobre 2013.

En l’espèce, le département de Lot-et-Garonne avait lancé une procédure de passation d’un marché ayant pour objet la création d’une application numérique mobile de découverte du patrimoine naturel et bâti en exigeant de disposer, à titre exclusif, de l’ensemble des droits de propriété intellectuelle attachés à cette application.

Une société, dont l’offre n’avait pas été retenue faute de prévoir la cession, à titre exclusif, de l’ensemble des droits de propriété intellectuelle attachés à l’application, avait formé un référé précontractuel en soutenant que cette prescription technique portait atteinte au principe de libre accès à la commande publique au motif qu’elle aurait pour effet d’écarter les offres proposant des applications conçues à partir de logiciels libres.

Relevant que tel n’était pas le cas dès lors la cession des droits de propriété intellectuelle portait sur la seule application numérique, la Haute Juridiction écarte les prétentions de cette société en rappelant qu’un candidat dont la candidature ou l’offre est irrégulière n’est pas susceptible d’être lésé par les manquements qu’il invoque, sauf si cette irrégularité est le résultat du manquement qu’il dénonce.