L'État territorial - De l’Acte I de la Décentralisation à la RÉATE

L’Acte I de la décentralisation : une redéfinition des rapports entre État et collectivités

L’Acte I de la décentralisation engage une série de mesures qui contribuent au renforcement du rôle des collectivités décentralisées.

L’institution de la région comme collectivité locale et  le transfert de l’exécutif

La loi du 2 mars 1982 reconnaît le statut de collectivité territoriale à la région. Ce nouveau statut prend effet en 1986 avec l’élection des conseils régionaux au suffrage universel, condition préalable posée par la loi. C’est sur la base de ce nouvel environnement institutionnel que le transfert de l’exécutif départemental et régional peut avoir lieu.

Ainsi, par la loi du 2 mars 1982, l’exécutif départemental, jusque là détenu par le préfet, est transféré au président du conseil général. C’est par cette même loi que l’exécutif  régional échoit, dès sa création, au président du conseil régional. Ceci avant même que la région ne soit officiellement devenue une collectivité territoriale. Cela signifie que le conseil régional et départemental assurent eux-mêmes l’exécution de leurs décisions. Dés lors, le président du conseil général dirige l’administration départementale qui devient nettement distincte des services de l’État.

La suppression de la tutelle administrative   

Avant la loi de décentralisation du 2 mars 1982, le préfet exerce une tutelle sur les collectivités locales. C’est-à-dire que tous les actes des collectivités territoriales (ex : délibérations,  etc) doivent lui être transmis sans quoi ils ne peuvent être exécutoires. Le contrôle du préfet s’exerce a priori. Au contraire, la loi de décentralisation de mars 1982 prévoit un contrôle de légalité a posteriori des collectivités locales. Les actes des autorités locales sont alors considérés exécutoires avant même leur communication au préfet, laquelle doit intervenir dans un délai de quinze jours après leur adoption. Toutefois ces dispositions sont jugées inconstitutionnelles par le Conseil constitutionnel.

La suppression de la tutelle administrative fait donc l’objet d’une loi complémentaire le 22 juillet 1982 . Dans les dispositions de cette dernière, le cas le plus fréquent est celui du contrôle a posteriori. Toutefois un contrôle a priori des actes des collectivités locales est rétabli mais il est circonscrit à une liste donnée d’actes. De plus, le préfet peut tout au plus saisir le tribunal administratif et il doit alors en informer l’autorité locale concernée. Ainsi, la loi de juillet reconnaît aux autorités locales une forte latitude comparativement à la situation antérieure à la loi du 2 mars 1982.

Le transfert des compétences

Les lois du 7 janvier 1983 et du 22 juillet 1983 relatives au transfert des compétences entre les communes, les départements les régions et l’État forment la deuxième étape majeure de l’Acte I de la décentralisation. Ces lois sont complétées par un faisceau de lois de transfert de compétences.

La première décentralisation n’amène pas immédiatement une réforme profonde de l’Etat territorial

L’Acte I de la décentralisation fait des avancées considérables sur la question de l’action des collectivités territoriales. En revanche les transformations de l’administration territoriale d’État n’apparaissent qu’en creux de la décentralisation et ne feront l’objet de mesures à part entière qu’ultérieurement.

La réforme de l’Etat territorial au second plan (1982-1992)

De 1982 à 1992, les lois relatives à la décentralisation traitent principalement du fonctionnement des collectivités territoriales. L’évolution de l’action de l’administration territoriale d’État est considérée comme un ajustement de cette réforme. Elle ne fait donc pas l’objet de mesures à part entière considérant que la décentralisation se traduit parallèlement par une évolution  des pouvoirs de l’État territorial.

La loi du 6 février 1992 apporte des évolutions majeures

La loi sur l’administration territoriale de la République du 6 février 1992 a pour objectif de relancer la décentralisation  en agissant sur plusieurs chantiers qui sont jugés insuffisamment  pris en compte par les lois de 1982. Ainsi le Titre II traite de la démocratie locale, tandis que le Titre III relance le processus de l’intercommunalité.

Ce texte fondateur est également connu pour la grande réforme de l’organisation territoriale de l’État, qui renforce l’échelon déconcentré, et qui fait l’objet du  Titre Ier de la loi. Cette loi affirme donc dans son premier article que « l’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l’État ». Désormais, les administrations locales forment l’ossature de la République tandis que l’échelon central conserve les missions de conception, de coordination et de réglementation. Dans cette perspective, les pouvoirs du préfet sur les services déconcentrés sont renforcés.

L’Acte II n’est pas suivi immédiatement d’une réorganisation territoriale

Malgré le renforcement du rôle du préfet à l’égard des directions départementales déconcentrées et la décentralisation, chaque ministère a conservé ses propres structures locales ce qui a pu conduire à un fonctionnement « vertical» des services déconcentrés de chaque ministère. L’Acte II de la décentralisation mené à partir de 2004 n’apporte pas d’évolution majeure concernant l’administration territoriale d’État. Pour cela, il faut attendre la réforme de l’administration territoriale d’État (RéATE) de 2010 et les modifications du décret du 16 février 2010 sur le rôle du préfet.

La réforme de l’administration territoriale  de l’Etat (la RéATE)

A partir de 2007, dans le cadre plus large de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) une réforme de l’administration territoriale de l’État est envisagée. Celle-ci veut modifier le référentiel de l’action de l’État au niveau local, en le faisant passer du département à la région . La réorganisation se donne également comme objectif de remettre en cause le fonctionnement des services déconcentrés, encore en lien direct avec l’administration centrale de leur ministère. Enfin, il s’agit de s’adapter au nouveau contexte issu de la décentralisation.

Le modèle de la nouvelle administration territoriale d’État est fixé par le décret relatif aux préfets et aux services territoriaux du 16 février 2010. Celui-ci attribue à l’échelon régional le pilotage de l’action administrative d’État tandis que l’échelon départemental s’occupe de sa mise en œuvre. Dans ce cadre, le préfet de région a « autorité » sur les préfets de département, afin d’assurer la cohérence de l’action de l’État dans la région. Cela se traduit par un pouvoir d’ « instruction » et un droit d’ « évocation », ainsi que par l’affectation des crédits des budgets opérationnels de programme. Le préfet de département conserve des prérogatives propres (contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales, police des étrangers, ordre public).

La RéATE engage également un resserrement et une nouvelle organisation des services déconcentrés. Ainsi, les trente-cinq directions, services et délégation précédemment stratifiés dans les régions et les départements ont fait l’objet de fusions et de regroupements. Par conséquent, les services régionaux, outre les rectorats, ne sont plus qu’au nombre de sept (Direction Régionale des Finances Publiques ; Agence Régionale de Santé ; Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi ; Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement ; Direction Régionale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale ; Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt et Direction Régionale des Affaires Culturelles). De même, le nombre de directions départementales ne s’élève plus qu’à deux (direction départementale de la protection des populations et direction départementale des territoires). Une troisième, dédiée à la cohésion sociale, peut s’y ajouter pour les plus gros départements. Le décret du 16 février 2010 réaffirme l’autorité du préfet de région sur ces services, avec la charge notamment de la gestion interministérielle des moyens de l’État.