Principes du recours à l'emprunt

Le contrôle de légalité exercé par le représentant de l'État

Le contrat d’emprunt étant essentiellement un contrat de droit privé, il ne relève pas du contrôle de légalité1  et n’a pas à être transmis  au représentant de l’Etat pour être exécutoire (CE, 12 février 2003, n° 234917, Ministère des Finances). Le préfet ne peut donc pas s’opposer aux emprunts dont les conditions lui apparaitraient défavorables aux intérêts de la collectivité si aucune illégalité n’est relevée. Seules les conventions d’emprunt qui revêtent le caractère de contrat administratif sont soumises à l’obligation de transmission aux services préfectoraux2.
Toutefois, le représentant de l’Etat peut demander la transmission de tout document annexe nécessaire à l’appréciation de la légalité des actes pris par les autorités locales (CE, 13 janvier 1988, n°68166, Mutuelle générale des personnels des collectivités locales et de leurs établissements). Ainsi lors du contrôle de la délibération d’une collectivité autorisant le recours à l’emprunt, le représentant de l’État peut utilement demander la transmission du projet de contrat de prêt.
En cas d’illégalité des délibérations ou décisions de recours à l’emprunt, le représentant de l’État peut adresser un recours gracieux à l’exécutif local pour lui demander de modifier ou de retirer ces actes. A défaut de réponse, dans un délai de deux mois, le préfet peut déférer l’acte devant le tribunal administratif, éventuellement assorti d’une demande de suspension à l’encontre des seuls actes administratifs (CE, 16 décembre 1994, n°116564, Préfet du Haut-Rhin). A cet égard, il faut remarquer que l’annulation par le tribunal administratif de la délibération ou la décision n’affecte pas directement la validité du contrat d’emprunt.

En revanche, l'emprunt n'est pas soumis au code des marchés publics. Le décret n°2005-601 du 27 mai 2005 modifiant le décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics l'a expressément exclu des procédures de mises en concurrence nationales et européennes en vertu de la directive n° 2004/18/CE du 31 mars 2004.

Les modalités de souscription d'un emprunt

Aux termes des articles L.2337-3, L.3336-1, L.4333-1 et L.5211-36 du CGCT, les communes, les départements, les régions et les EPCI peuvent recourir à l'emprunt. Le produit des emprunts constitue l'une des recettes non fiscales de la section d'investissement du budget des collectivités (article L. 2331-8 du CGCT). Les emprunts correspondent au volume global des dettes contractées à plus d'un an pendant l'exercice.
Le recours à l’emprunt relève de la compétence de l’assemblée délibérante. Toutefois, cette compétence peut être déléguée au maire (article L.2122-22 du CGCT), à la commission permanente ou au président du conseil départemental (L.3211-2 du CGCT), à la commission permanente ou au président du conseil régional (L.4221-5 du CGCT) et au bureau ou au président de l’EPCI (article L.5211-10 du CGCT).
Lorsque l’assemblée délibérante délègue sa compétence en matière d’emprunt à l’exécutif, elle doit fixer avec précision la durée et le champ de la délégation, en particulier les caractéristiques essentielles des contrats que l’exécutif est autorisé à souscrire dans la perspective de financer les investissements prévus par le budget.
La délibération ou la décision de souscrire des emprunts ou des produits financiers en cas de délégation, est un acte unilatéral qui précède la signature du contrat, à peine de nullité de celui-ci. Leur contenu doit être suffisamment précis pour que le contrat de prêt constitue une mesure d’exécution et que le représentant de l’État soit en mesure d’apprécier la légalité de l’emprunt.
En revanche, les délégations consenties à l’exécutif en matière de recours à l’emprunt expirent dès l’ouverture de la campagne électorale visant à renouveler l’organe délibérant.
Enfin, dans le cadre du rapport accompagnant le débat sur les orientations budgétaires, des informations relatives à la structure et la gestion de l’encours de la dette contractée et les perspectives pour le projet de budget ainsi que le profil de l’encours de dette visé pour la fin de l’exercice doivent être présentées (articles D.2312-3, D.3312-12 et D.4312-10 du CGCT).

L'emprunt, ressource budgétaire

Les emprunts sont exclusivement destinés à financer des investissements, qu'il s'agisse d'un équipement spécifique, d'un ensemble de travaux relatifs à cet équipement ou encore d'acquisitions de biens durables considérés comme des immobilisations. Les emprunts n'ont pas à être affectés explicitement à une ou plusieurs opérations d'investissement précisément désignées au contrat. Ils peuvent être globalisés et correspondre à l'ensemble du besoin de financement de la section d'investissement prévu au budget.
Le contrôle des emprunts des collectivités locales s’exerce à travers le principe d’équilibre budgétaire prévu à l’article L.1612-4 du CGCT. En aucun cas l'emprunt ne doit combler un déficit de la section de fonctionnement ou une insuffisance des ressources propres pour assurer l'amortissement de la dette. En outre, les dépenses imprévues inscrites à la section d'investissement du budget ne peuvent être financées par l'emprunt (article L. 2322-1 du CGCT). Sous cette réserve, le produit des emprunts prévu au budget primitif peut assurer l'équilibre de la section d'investissement.
L'article L.1612-1 du CGCT prévoit que l'exécutif de la collectivité peut, entre le 1er janvier de l'exercice et la date d'adoption du budget, « mettre en recouvrement les recettes », ce qui autorise le tirage des emprunts contractés avant le 31 décembre. Cette disposition ne permet cependant pas de passer un nouveau contrat d'emprunt sur la base de prévisions de recettes du budget précédent, ce qui constituerait un engagement nouveau et non la simple mise en recouvrement de recettes précédemment engagées juridiquement.
L'article L.1612-1 précise également que « jusqu'à l'adoption du budget ou jusqu'au 15 avril, en l'absence d'adoption du budget avant cette date, l'exécutif de la collectivité peut, sur autorisation de l'organe délibérant, engager, liquider et mandater les dépenses d'investissement, dans la limite du quart des crédits ouvertes à l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette ». Ces dispositions ne concernent pas l'emprunt qui est une recette de cette section. La délibération décidant de contracter des emprunts nouveaux pourrait être déférée devant le juge administratif, même si cette décision devait être régularisée au budget primitif suivant. Ce n'est qu'après l'adoption de celui-ci que le maire pourra souscrire l'emprunt.
Dans le cadre du contrôle budgétaire (articles L .1612-1 à L.1612-20 du CGCT), le préfet assure le respect de ces règles. L'autorité préfectorale ou toute personne ayant un intérêt pour agir peut contester la légalité des actes relatifs à l'emprunt devant le juge administratif.

L'imputation budgétaire

Les crédits nécessaires au remboursement des annuités de l'emprunt, intérêts et capital, sont évalués au budget de façon sincère.
Le remboursement du capital est imputé au compte 16, en dépenses de la section d'investissement. Il doit être couvert par des ressources propres, ce qui constitue une condition essentielle de l'équilibre budgétaire (article L.1612-4 du CGCT).
Les frais financiers, qu'il s'agisse des intérêts ou des frais financiers annexes, sont imputés au compte 66 en dépenses de la section de fonctionnement.
L’acquittement de la dette constitue une dépense obligatoire, qu'il s'agisse du remboursement du capital ou des frais financiers. Le prêteur est donc en droit d'utiliser les procédures d'inscription et de mandatement d'office pour obtenir le paiement des annuités en cas de défaillance de la collectivité locale (articles L. 1612-15 à L. 1612-17 du CGCT). A l'inverse, les voies d'exécution de droit commun (saisies principalement) ne sont pas applicables à une collectivité ou à un établissement public local.

Financement des collectivités territoriales : les évolutions introduites par la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires

En matière de financement des collectivités territoriales, la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a introduit dans le CGCT deux évolutions majeures :

  • l'article L. 1611-3-1 du CGCT fixe le cadre juridique du recours à l'emprunt pour les collectivités territoriales, leurs groupements et les services départementaux d'incendie et de secours ;
  • l'article L. 1611-3-2 du CGCT autorise la création d'une agence de financement des collectivités locales.

Le cadre juridique de recours à l'emprunt pour les collectivités territoriales

L’article 32 de la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, codifié à l’article L.1611-3-1 du CGCT définit désormais les emprunts que les collectivités territoriales, leurs groupements et les services départementaux d'incendie et de secours peuvent souscrire auprès des établissements de crédit, en limitant l’accès aux produits les plus simples.
Pour que leur souscription soit autorisée, les emprunts doivent présenter les caractéristiques suivantes :

- les emprunts peuvent être libellés en euros ou en devises étrangères à la condition de se prémunir contre les risques de change. Dans ce cas,  un contrat d'échange de devises contre euros doit être conclu pour le montant total et la durée totale de l'emprunt concerné ;

- le taux d’intérêt des emprunts souscrits peut être fixe ou variable. Pour tous les emprunts à taux variable, les indices et les écarts d'indices autorisés pour les clauses d'indexation du taux d'intérêt sont déterminés par le décret n° 2014-984 du 28 août 2014, codifié aux articles R.1611-33 et R.1611-34 du CGCT. La formule d'indexation des taux variables doit répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières des entités concernées.

En outre, les collectivités territoriales peuvent recourir, dans le cadre de la gestion de leur dette, à des contrats financiers adossés à un emprunt (swap) dans le but d'assurer la couverture du risque pris par l'entité concernée.

Les collectivités territoriales peuvent toutefois déroger à ces règles lorsque la souscription d'un emprunt ou d'un contrat financier, par la voie d'un avenant ou d'un nouveau contrat, a pour effet de réduire le risque associé à un emprunt ou un contrat financier non conforme au même article L.1611-3-1 et qui a été souscrit avant la promulgation de la loi. Dans le cadre de cette renégociation, les établissements de crédit concernés sont tenus de fournir, au plus tard lors de la conclusion du nouveau contrat ou de l'avenant au contrat, un document explicitant la baisse de risque induite par cette renégociation.

La création d'une agence de financement des collectivités locales : l'Agence France Locale

L’article 35 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 a entériné la création d’une agence publique de financement des collectivités territoriales destinée à contribuer à la diversification de l’accès au financement des collectivités locales, en leur offrant un accès mutualisé au marché obligataire.
Ainsi, un nouvel article L.1611-3-2 du CGCT autorise les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à créer une société publique (Société Territoriale) revêtant la forme de société anonyme dont ils détiennent la totalité du capital et dont l'objet est de contribuer, par l'intermédiaire d'une filiale (la Société Opérationnelle) à leur financement.

Créée en octobre 2013, l’Agence France Locale a obtenu l’agrément de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) le 22 décembre 2014 en qualité d’établissement de crédit. Elle a lancé sa première émission obligataire en mars 2015, lui permettant ainsi de débuter son activité opérationnelle, qui s’est déployée au cours de l’année 2015.
Fin 2016, 173 collectivités sont adhérentes à l’Agence France Locale. Au 31 décembre 2016, 191 prêts leur ont été accordés pour un montant global de 1,055 milliards d’euros.
 

1Articles L. 2131-4, L. 3131-5, L. 4141-5 du CGCT
2Articles L. 2131-2 (4°), L. 3131-2 (4°), L. 4141-2(3°) du CGCT