Transferts de compétences

Sommaire

Contrairement à la coopération conventionnelle, dont l’objectif est de répondre à des besoins ponctuels par la conclusion de conventions entre collectivités (références : art L. 5111-1 alinéa 3 du CGCT), la coopération par voie de transfert de compétences vise à la mise en place d’une intercommunalité pérenne. Celle-ci peut prendre la forme d’une coopération associative (syndicat et autres groupements) ou d’une coopération de projet (établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre).

Les principes de cette coopération sont donnés par l’art. L. 5111-1 alinéa 1 du CGCT : “ Les collectivités territoriales peuvent s’associer pour l’exercice de leurs compétences en créant des organismes publics de coopération dans les formes et conditions prévues par la législation en vigueur ”.

Les communes transfèrent leurs compétences au profit de l’établissement qu’elles créent. Elles ne sont alors plus compétentes pour agir. Il est donc de première importance de définir clairement les compétences transférées à l’EPCI et celles qui demeurent au niveau communal (notion d’intérêt communautaire).

L’EPCI agit en lieu et place de ses communes membres. Disposant de ses propres organes (conseil, président) et d’un budget propre, il prend des décisions en son nom propre, indépendamment des conseils municipaux.

La coopération par transfert de compétences est régie par plusieurs principes et dispositions générales.

 

Le principe de spécialité

La spécialité fonctionnelle

Un EPCI n’a pas, contrairement à ses communes membres, de compétence générale. Il ne peut donc exercer que les compétences qui lui ont été explicitement transférées soit par la loi, soit par ses communes membres et qui, de ce fait, figurent dans les statuts

CE, 23 octobre 1985, commune de Blaye les Mines

 

En conséquence, sont exclus les transferts de compétences tacites. En effet, les transferts de compétences d’une commune à un EPCI ne peuvent résulter que d’une décision expresse de celle-ci, intervenue dans les formes et suivant les procédures fixées par la loi et en aucun cas d’une simple pratique ou d’une décision implicite.

D’autre part, les compétences doivent être définies de manière précise dans les statuts de l’EPCI. A défaut, l’arrêté préfectoral prononçant le transfert de compétences risque l’annulation par le juge administratif. (TA de Strasbourg, 8 juin 1990, commune de Pang.

CE, 6 novembre 1998, Association pour la protection des Gorges de l’Ardèche

 

Le juge administratif apprécie strictement l’étendue des attributions des groupements. Par exemple, un SIVOM qui a pour vocation l’étude des plans d’urbanisme communal et des plans de programmes d’occupation des sols peut faire procéder à des études d’urbanisme, mais il ne peut élaborer des documents d’urbanisme.

CE, 18 décembre 1991, SIVOM de Sainte-Geneviève-des-Bois

 

La spécialité territoriale

Le champ de compétences d’un groupement est limité au territoire des seules collectivités qu’il associe. Par conséquent, le juge administratif sanctionne le groupement qui intervient en dehors de son périmètre en l’absence de toute habilitation statutaire.

CE, 25 mai 1994, Syndicat intercommunal des eaux de Gravelotte et de la vallée de l’Orne

 

Toutefois, un groupement peut réaliser des équipements hors de son territoire à la double condition qu’il agisse dans le cadre de son champ de compétences et qu’il ne puisse pas réaliser l’équipement considéré dans les mêmes conditions sur son territoire.

CE, 1948, commune de Livry-Gargan ; CE, 1981, Association de défense des habitants du quartier de Chèvre-Morte et autres

TA de Montpellier, 1er mars 2002, commune de Lignairolles

Réponse du ministre de l’intérieur du 27 février 2003 à la question écrite no 1861 du sénateur Roland Courteau

 

Le principe d’exclusivité

Le transfert d’une compétence donnée à un EPCI par l’une de ses communes membres entraîne le dessaisissement corrélatif et total de cette dernière, en ce qui concerne ladite compétence (CE, 16 octobre 1970, commune de Saint-Vallier). Il résulte de ce principe que la commune dessaisie ne peut plus exercer elle-même la compétence, ni verser de subventions à l’EPCI au titre de cette compétence. En outre, elle ne peut plus la transférer à un autre EPCI, sauf à se retirer préalablement de l’EPCI dont elle est membre. (CE, 28 juillet 1995, district de l’agglomération de Montpellier).

Il existe, toutefois, des atténuations à ce principe. Le principe d’exclusivité n’empêche pas la division de la compétence lorsqu’elle est sécable. (CE, 31 juillet 1996, commune de Sète). La circonstance qu’un syndicat soit compétent en matière de construction et d’exploitation d’un réseau d’eau potable ne fait ainsi pas obstacle à ce qu’une commune puisse exploiter une source dont elle disposait auparavant.

La loi exclut dans certains cas la possibilité de morceler les compétences en prévoyant le transfert de blocs entiers de compétences (établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre) ou en organisant elle-même les modalités du transfert dans certains domaines : ainsi en matière d’ordures ménagères, par exemple, on transfère la totalité de la compétence (collecte et traitement) ou seulement le traitement. S’agissant des services publics industriels et commerciaux (SPIC), la règle du financement par l’usager du service exclut que la gestion des équipements soit assurée par une commune auquel cas on fait financer le SPIC par le contribuable.

La division des compétences ne peut toutefois pas conduire à une scission des opérations d’investissement et de fonctionnement au sein d’une même compétence. En effet, quelle que soit la compétence, l’investissement et le fonctionnement doivent être exercés par la même personne publique car une scission entre les deux ne permettrait pas, dans le cadre de la mise à disposition des biens qui accompagne le transfert de toute compétence, de respecter l’article L. 1321-1 du CGCT qui précise que le transfert d’une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette compétence. En outre, l’article L. 1321-2 du CGCT précise que la collectivité bénéficiaire du transfert assume l’ensemble des obligations du propriétaire. Or, les obligations du propriétaire comprennent les dépenses d’investissement et de fonctionnement attachées aux biens transférés. La scission entre les notions de fonctionnement et d’investissement n’est donc pas autorisée.

Le versement de fonds de concours entre EPCI et communes membres constitue une autre atténuation aux principes de spécialité et d’exclusivité puisque l’EPCI ou la collectivité qui verse ces fonds n’est plus titulaire de la compétence concernée (les fonds de concours sont particulièrement adaptés aux compétences faisant intervenir des acteurs différents, à l’instar de la politique de la ville).

Les conditions de versement de ces fonds ont été sensiblement assouplies par la loi du 13 août 2004 modifiée.

Articles L. 5214-16, L. 5215-26 et L. 5216-5 du CGCT

 

La représentation substitution ou la substitution

Il s’agit d’une véritable dérogation au principe d’exclusivité, le mécanisme de la représentation substitution permettant à des communes de transférer à des EPCI à fiscalité propre des compétences dont elles s’étaient déjà dessaisies au profit de syndicats de communes ou de syndicats mixtes, et ce, sans avoir au préalable à retirer ces compétences aux syndicats concernés.

Ce mécanisme est automatiquement mis en œuvre lors des transferts de compétences à un EPCI à fiscalité propre tant lors de la création de ce dernier que lors d’une extension de son périmètre ou de ses compétences (y compris en cas de transformation ou de fusion).

Ses effets diffèrent selon la nature juridique de l’EPCI à fiscalité propre concerné (communauté de communes, communauté d’agglomération, communauté urbaine ou métropole) et en fonction de l’articulation de son périmètre avec celui du syndicat. Il est donc nécessaire de distinguer les situations suivantes :

  • identité de périmètre entre le syndicat et l’EPCI à fiscalité propre : c’est le cas de figure le plus simple, l’EPCI se substitue au syndicat qui disparaît, et se retrouve investi de l’ensemble de ses compétences (articles L. 5214-21, L. 5215-21, L. 5216-6 du CGCT).
  • inclusion du syndicat dans le périmètre de l’EPCI à fiscalité propre : il y a alors substitution des communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines ou métropoles au syndicat pour les compétences qui leur ont été transférées et disparition du syndicat si la totalité des compétences a été transférée ;
  • chevauchements de périmètre et inclusion de l’EPCI à fiscalité propre dans le périmètre syndical.

Il y a lieu de distinguer la situation des communautés de communes et celle des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles.

En ce qui concerne les communautés de communes, elles sont automatiquement substituées à leurs communes membres au sein des syndicats de communes et des syndicats mixtes préexistants (article L. 5214-21 du CGCT). Le syndicat reste compétent et devient syndicat mixte puisque l’EPCI y adhère au lieu et place de ses communes membres.

S’agissant des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles, les communes sont retirées des syndicats pour les compétences obligatoires et optionnelles. Pour les compétences facultatives, il y a substitution de la communauté d’agglomération, de la communauté urbaine ou de la métropole à ses communes membres au sein des syndicats (article L. 5216-7, article L. 5215-22 du CGCT), comme pour les communautés de communes.

 

Les conséquences des transferts de compétences

Le transfert des compétences entraîne le dessaisissement des communes, sauf si l’intérêt communautaire n’est pas défini.

Il entraîne également le transfert des services chargés de les mettre en œuvre (article L. 5211-4-1 du CGCT), sous réserve des dérogations prévues par ce même article (la loi du 16 décembre 2010 prévoit un transfert partiel du service si la compétence ne couvre qu’une partie dudit service) et le transfert des biens nécessaires à leur mise en œuvre. Le régime de droit commun est la mise à disposition dans les conditions des articles L. 1321-1 à L. 1321-9 du CGCT et le transfert en pleine propriété sur les zones d’activité et les zones d’aménagement concerté (ZAC).

Aux termes de l’article L. 5211-4-1 du CGCT, lorsqu’une commune a conservé tout ou partie de ses services dans les conditions évoquées plus haut, ces services sont en tout ou partie mis à disposition de l’EPCI auquel la commune adhère pour l’exercice des compétences de celui-ci. A l’inverse, les services d’un EPCI peuvent être en tout ou partie mis à disposition d’une ou plusieurs de ses communes membres, pour l’exercice de leurs compétences. Dans le cadre de ces mises à dispositions, une convention est conclue entre l’EPCI et chaque commune intéressée, qui prévoit notamment les conditions de remboursement du bénéficiaire de la mise à disposition des frais de fonctionnement du service.

En outre, aux termes des articles L. 5211-4-2 et L. 5211-4-3 du CGCT, issus de l’article 66 de la loi RCT, les EPCI et les communes membres peuvent se doter de services communs, dont les effets sont réglés par convention signée entre les établissements et les communes.

Il peut y avoir mise en œuvre du mécanisme de la représentation substitution ou le cas échéant, dans les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, de la substitution pure et simple avec retrait concomitant des syndicats préexistants.

 

Dispositions particulières en matière de compétences

Communautés de communes

L’EPCI et les communes membres peuvent conclure des conventions par lesquelles l’une d’elles confie à l’autre la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions.

Communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles

L’EPCI peut confier, par convention avec la ou les collectivités concernées, la création ou la gestion d’équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs communes membres, à leurs groupements ou à toute autre collectivité territoriale ou établissement public.

Ces collectivités peuvent confier, dans les mêmes conditions, à la communauté, la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de leurs attributions.

En outre, la communauté peut transférer certaines de ses compétences à un syndicat mixte dont le périmètre inclut en totalité le périmètre communautaire après création du syndicat ou adhésion de la communauté.