Aux termes du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. »
Qui peut proposer une expérimentation locale ?
Seuls les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent formuler une proposition d’expérimentation sur le fondement de cet article.
L’article L.O. 5111-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) précise, s’agissant des groupements, que seuls les établissements publics composés exclusivement des collectivités territoriales peuvent participer à une expérimentation sur le fondement de l’article 72.
Dans quels domaines ?
Les expérimentations locales peuvent porter sur l'ensemble des matières relevant de la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements. Par conséquent, les règles relatives à l'organisation institutionnelle des collectivités territoriales et de leurs groupements n’entrent pas dans le champ d'application de l'article 72 de la Constitution et une expérimentation locale ne peut pas porter sur l’attribution d’une compétence.
De plus, les dérogations aux normes nationales que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre à titre expérimental ne peuvent conduire, quel que ce soit le domaine dans lequel elles interviennent, à modifier le régime des libertés publiques et des droits constitutionnellement garantis.
Comment proposer une expérimentation locale et quelle procédure jusqu’à sa mise en œuvre ?
La collectivité territoriale ou le groupement doit envoyer sa proposition d’expérimentation au guichet local d’appui de la préfecture de département, via l’adresse mél mise en place par le guichet et en remplissant le formulaire spécifique annexé à l’instruction du Gouvernement du 12 mai 2021.
Le guichet local de la préfecture transmet le dossier d’expérimentation et l’avis de la direction générale des collectivités locales, qui assure l’examen de sa recevabilité et recueille l’avis du ou des ministères portant la politique publique concernée par la demande d’expérimentation.
Lorsque rien ne s’oppose, en terme de recevabilité et d’opportunité, à la proposition un projet de loi ou de règlement, selon le niveau de norme auquel il est prévu de déroger, doit autoriser la mesure expérimentale. Une fois adopté et publié, le dispositif expérimental entre en vigueur et s’applique à la collectivité territoriale ou au groupement expérimentateur. Conformément à l’article L.O. 1113-4 du CGCT, les actes pris par la collectivité ou le groupement qui expérimente une dérogation aux dispositions législatives en vigueur doivent mentionner leur durée de validité.
Après l’entrée en vigueur du texte, les autres collectivités territoriales ou groupements qui entrent dans les catégories prévues pour l’expérimentation et qui répondent aux caractéristiques qu’il fixe peuvent décider de participer à l’expérimentation, par délibération motivée de son assemblée délibérante.
Les collectivités et groupements qui décident de participer à une expérimentation en cours ne peuvent pas poursuivre l’expérimentation au-delà du délai fixé par la loi.
Comment sont évaluées les mesures expérimentales ?
Au cours de l’expérimentation, l’application du dispositif par les collectivités territoriales et les groupements expérimentateurs doit faire l’objet d’une évaluation.
Elle prend la forme de deux rapports rédigés par le Gouvernement et transmis respectivement au Parlement au milieu de l’expérimentation et avant son terme. Cette évaluation permet de tirer les conséquences de l’expérimentation.
Par ailleurs, le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un rapport présentant les collectivités et groupements ayant participé à une expérimentation locale, ainsi que les propositions d’expérimentation formulées par les collectivités et leurs groupements et les suites qui leur ont été réservées.
Consulter :
- Le rapport de 2024 du Gouvernement au Parlement sur les expérimentations prévues au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution au titre des années 2021-2023
- Le rapport 2025 du Gouvernement au Parlement sur les expérimentations prévues au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution au titre de l’année 2024
Quelles issues possibles à une expérimentation locale ?
Au terme d’une expérimentation et sur la base des résultats de son évaluation, le législateur ou le pouvoir règlementaire national peuvent décider :
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soit de prolonger les dispositions expérimentales, avec ou sans modification, parce qu’ils estiment, par exemple, que la durée de l’expérimentation n’a pas permis d’en évaluer correctement les effets ;
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soit de les abandonner, parce que leur mise en œuvre n’a pas été convaincante ;
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soit de les maintenir et de les généraliser à l’ensemble du territoire ;
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soit de les maintenir et de les généraliser partiellement, seulement à certaines collectivités territoriales ou groupements, sous réserve du principe d’égalité.
Quelles différences entre les expérimentations locales prévues par l’article 72 de la Constitution et celles prévues par son article 37-1?
La révision constitutionnelle de 2003 a introduit deux types d’expérimentation, aux articles 37-1 et 72 de la Constitution, qui se distinguent tant par leur objet que par la procédure qui leur est applicable.
L’article 37-1 permet au législateur ainsi qu’aux autorités détentrices du pouvoir règlementaire national d’adopter des normes à caractère expérimental sans restriction de champ. Elles n'impliquent pas nécessairement les collectivités territoriales et ne consistent pas forcément en des dérogations à des normes existantes. Elles peuvent aussi permettre l’expérimentation d’un dispositif nouveau ou un transfert de compétences.
Les expérimentations de l’article 72, quant à elles, permettent spécifiquement aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger aux règles qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Les textes de références
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Articles L.O. 1113-1 à L.O. 1113-7 du CGCT et L.O. 5111-5 du CGCT, modifiés par la loi organique n° 2021-467 du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution ;